Apprendre à accepter son chien

par | 7 mars 2018 | Style de vie

 

Ceux qui me connaissent bien savent qu’en 2012, la vie m’a arraché dans un tragique accident mes deux chiens que j’aimais du plus profond de mon cœur et qu’ils y ont laissé un vide immense. Deux épagneuls français magnifiques et attachants qui m’ont fait découvrir le merveilleux monde des sports attelés : Stanley et Wilson. Ceux qui me connaissent encore mieux savent que mon deuil a été long et pénible. Peu de temps après l’accident, grâce à la grande générosité de l’Élevage du Nordet, j’ai pris la décision de reprendre un épagneul français, moi qui étais si amoureuse de la race et si passionnée des sports attelés. Oji est arrivé dans ma vie à ce moment, alors que je peinais à me relever. Je dis souvent qu’il a dû assumer la lourde tâche d’être ma bouée de sauvetage, mais aussi celle d’être « le remplaçant » de Stanley, ce chien que je qualifierai toujours de « parfait ». Quelles tâches ingrates, me direz-vous…! Eh bien, oui.

Cette introduction plutôt triste m’amène à vous partager mes réflexions sur les attentes qu’on a tous envers nos chiens et qui à mon avis brisent la relation qu’on a avec eux. Cela m’amène à vous parler d’un concept assez simple, mais plutôt difficile à appliquer par la plupart des propriétaires de chiens, surtout ceux qui sont moins expérimentés : celui d’apprendre à accepter son chien, et surtout d’accepter qu’un chien est un chien !

J’ai toujours été perfectionniste. Quand j’ai commencé à m’intéresser au domaine canin, je pensais, comme plusieurs, que tous les chiens aimaient tout le monde, qu’ils avaient tous envie de jouer avec d’autres amis chiens, en tout temps. Je pensais qu’un chien qui grognait, c’était un chien agressif. Je pensais qu’il fallait chicaner un chien qui jappe. Je pensais que tous les chiens pouvaient partager leurs jouets, leur nourriture, qu’ils pouvaient être laissés seuls en compagnie de jeunes enfants, sans surveillance. Que les incidents avec les humains ou entre chiens n’arrivaient qu’à ceux qui avaient des chiens « mal dressés ». C’était facile : j’avais les deux chiens les plus « Roger Bontemps » au monde : sociables à fond, patients et sans aucune malice. Avec du recul aujourd’hui, je sais que Wilson et Stanley étaient l’exception et non la règle…

Je reviens à Oji, car c’est le meilleur exemple pour démontrer ce que je souhaite vous partager aujourd’hui. J’ai été confrontée avec Oji à tout ce à quoi je ne m’étais jamais imaginé d’un chien (du moins d’un chien qui vit chez moi, dans un environnement qui comble tous ses besoins et qui lui permet d’être équilibré). Des jappements envers des inconnus à ceux dont j’ai toujours eu horreur dans une maison, de la peur des enfants aux grognements gratuits et que je considérais alors inexpliqués, à la territorialité et la dominance envers les autres mâles que je n’arrivais tout simplement pas à gérer, ou des escapades complètement incontrôlées dans les bois… Oji m’en a fait voir de toutes les couleurs.

Moi qui avais toujours eu des chiens hyper-sociables, sans un once de malice, posés, obéissants et SILENCIEUX, j’étais tombée sur tout un numéro ! J’ai été découragée, pendant un temps, je me suis questionnée sur ma motivation, ma volonté et le plaisir que m’a toujours procurée la compagnie d’un chien et la complicité qui nous unit. Jusqu’où pourrais-je me rendre dans la difficulté, le travail continuel sur un animal et est-ce que les désavantages l’emportaient sur les avantages ?

Puis, un jour, un comportementaliste canin m’a demandé : « Qu’est-ce qui te dérange le plus ? Que Oji adopte certains comportements qui te dérangent, ou le fait que ça dérange les autres ? ». Il avait mis le doigt sur le bobo. Il a enchaîné en me disant que Oji était un bon chien, qu’il avait une personnalité bien à lui et que le plus grand service que je pouvais lui rendre, c’était d’accepter cette personnalité et de lui offrir la possibilité d’être lui-même.

C’est ce que j’ai fait. J’ai accepté que j’avais un chien baveux avec les autres, jappeux en toutes circonstances, bougonneux et très vocal, réactif en laisse, peureux et j’en passe… J’ai appris à vivre avec ces particularités, au même titre qu’on apprend à accepter qu’un enfant ait certaines tendances ou comportements qui nous dérangent, malgré l’éducation et les efforts qu’on ait pu y mettre.

ATTENTION! cela ne veut pas dire que j’ai décidé d’abandonner son éducation !!! Je choisis simplement mes batailles et je suis à l’écoute de mon chien. Je sais maintenant que certaines situations le rendent inconfortable, qu’il en sera toujours ainsi et que mon travail, comme partenaire humain, est de l’aider à les éviter. Je sais qu’il peut affronter d’autres situations en toute confiance et je n’hésite pas à l’encourager à foncer lorsqu’il est à l’aise. Je connais mon chien et je sais aussi qu’il fait beaucoup de bruit, pour aucune conséquence et que c’est un frimeur professionnel ! Mais ça m’a pris du temps avant de le comprendre…

Le plus dur, ça a été d’apprendre à vivre avec le regard des gens ; ceux qui croient que les grognements et jappements de mon chien sont un signe d’agressivité, ceux qui ne comprennent pas pourquoi je tiens mon chien près de moi et que je ne lui donne pas la liberté d’aller sentir les autres chiens lorsqu’il est en laisse, ceux qui ont vécu l’expérience « Bullying Oji ». La vérité, c’est que je ne peux pas leur en vouloir, car j’ai déjà été comme eux. Quand on n’a connu que des chiens relaxes et faciles à vivre comme Wilson et Stanley, on croit que « tout le monde est beau, tout le monde est gentil ». J’aimerais le croire encore, mais l’expérience m’a démontré que ce n’est pas la réalité.

Je ne sais pas si c’est uniquement une question de génétique et de coïncidence, mais tous mes chiens, incluant ceux qui sont nés chez nous et qui ont été exposés à tout, ont une assez grosse bulle et sont caractériels. Peut-être que je les choisis ainsi ? Je l’ignore encore. Mais ce que je sais, c’est que j’ai fait le choix de les accepter tels qu’ils sont et les respecter dans leur personnalité respective. Et tout le monde s’en porte tellement mieux !

Doit-on aspirer au chien parfait ? Je crois que c’est utopique, et injuste à l’égard de nos chiens.

Pourquoi donc s’imposer cette pression d’avoir le chien rêvé qu’on a toujours voulu avoir ? Pourquoi ne pas simplement apprécier ce que nos chiens sont en mesure de nous offrir, et apprendre de leurs qualités, comme de leurs défauts ? Enfin, pourquoi en tant qu’amoureux des chiens, et sachant combien il peut être exigeant d’éduquer un chien au meilleurs de nos connaissances, ne prendrions-nous pas quelques pas de recul avant de juger rapidement un maître qui fait son possible, mais qui a un chien réactif ou craintif ?

Rappelons-nous aussi qu’en tant qu’humains, et si aimants et compréhensifs de nos animaux que nous puissions être, nous ne comprenons pas toujours ce que disent nos chiens… cela nous trompe très souvent… cela nous amène à analyser telle ou telle action d’un chien, alors qu’on a probablement rien compris. Soyons assez lucides pour au moins le reconnaître… Parce que c’est aussi ça, aimer les chiens.